Roger Ben Aïm
Layrac, le 16 Février 2012
Professeur des Universités retraité
Bigarrat
47390 LAYRAC
A Madame Kosciusco-Morizet
Ministre de
L’Ecologie, du Développement durable,
des Transports et du
Logement
.
Madame la Ministre
Vous allez prendre prochainement une
décision sur un sujet qui peut sembler mineur au regard de
l’importance du projet de LGV Bordeaux/Toulouse : il
s’agit du choix définitif du tracé sur la commune de Layrac. Le
Comité technique avait dans un premier temps marqué sa préférence
pour un projet dit « Nord qui impliquait une double traversée
de la Garonne. Suite à un intense lobbying de la Communauté
d’Agglomération Agenaise, c’est l’option dite Sud qui vous est
maintenant proposée.
L’une des principales raisons
évoquées pour ce choix est que ce tracé passe au plus près de
l’autoroute et que, de ce fait, il serait de nature à minimiser
les nuisances.
L’autoroute A64 traverse
effectivement la commune de Layrac en amont du confluent entre le
Gers et la Garonne. Cette portion a été construite à la fin des
années 70 c’est-à-dire après la terrible inondation de 1977 dont
tous les Layracais se souviennent : elle avait fait une victime
à Layrac et de très importants dégâts. Le remblai de l’autoroute
malgré les exutoires qui ont été aménagés constitue déjà un
obstacle important à l’écoulement des eaux vers le confluent.
Qu’en serait-il avec un second obstacle, conséquence inéluctable
du passage de la voie LGV dans le même fuseau ?
De ce que j’ai appris en Mécanique
des Fluides et en Hydraulique lorsque j’étais élève-ingénieur,
j’ai retenu des choses simples , de bon sens, que j’ai essayés
de faire passer ensuite auprès de mes étudiants tout au long de ma
carrière d’enseignant chercheur :
- Tout obstacle mis à l’écoulement de l’eau se traduit par une augmentation de la pression en amont dans pour un écoulement en conduite ou par une augmentation du niveau en amont pour un écoulement à surface libre.
- Cette « résistance hydraulique « au passage de l’eau est analogue à la résistance électrique avec la conséquence que deux résistances en série s’additionnent.
Et c’est bien de
cela qu’il s’agit, c’est cela qui préoccupe tous ceux qui ont
en mémoire les crues du Gers . L’obstacle supplémentaire que
représenterait le passage de la ligne LGV en amont du confluent
Gers/Garonne aurait un impact sur le niveau des crues du Gers en
particulier sur la commune de Layrac qui est « aux premières
loges ».
J’ai assisté
aux réunions de présentation des résultats des études techniques
qui ont été menées pour minimiser l’impact de la ligne LGV.
J’avoue avoir été rassuré sur le sort des batraciens et
échassiers mais j’avais manifesté alors mon étonnement sur le
fait qu’aucun résultat de simulation hydraulique n’ait été
présenté. Il m’avait été dit que ces études seraient faites
après le choix du tracé ce qui peut paraitre surprenant et
choquant.
Aujourd’hui que
le choix se limite à deux tracés sur une petite portion de la
ligne, il me semble particulièrement important d’avoir le résultat
de ces études de simulation avant de prendre une décision.
La crue de 1977
était certes une crue exceptionnelle avec un débit instantané de
pointe qui a représenté 150 fois le débit moyen et un débit sur
24 heures qui a représenté 100 fois ce même débit moyen. Mais une
ligne LGV a une durée de vie très longue, sans doute 50 ans,
peut-être plus et nous savons que dans les 50 ans à venir des
changements climatiques sont inéluctables. Le Sud-Ouest est l’une
des zones ou ces changements devraient se manifester et l’une des
conséquences en sera la plus grande fréquence des évènements
extrêmes comme nous pouvons déjà le constater. De plus,
l’imperméabilisation progressive des sols survenue au cours de ces
dernières années constituera un facteur aggravant lors des fortes
précipitations puisqu’elle se traduit par une moindre rétention.
Il faut enfin réaliser que la crue du Gers de 1977 s’est produite
en Juillet et que cette année-là la Garonne était en crue en Mai :
si les deux évènements avaient été simultanés, les conséquences
auraient été encore plus catastrophiques. Or cela est déjà
arrivé dans le passé et la probabilité que cela se reproduise est
loin d’être négligeable Il ne s’agit donc pas de raisonner
avec une approche traditionnelle qui consisterait à ne prendre en
compte que les crues trentenaires du Gers dans l’évaluation du
risque. Il s’agit de tenir compte des éléments nouveaux qui sont
aujourd’hui disponibles pour aboutir à une réelle évaluation du
risque grâce à une simulation hydraulique. Cette technique est
aujourd’hui parfaitement maitrisée et d’un emploi commun :
une telle étude serait certainement moins couteuse et plus
pertinente que celles qui ont fleuri au cours des derniers mois.
Madame la
Ministre, j’ai pu apprécier votre clairvoyance en plusieurs
occasions, c’est pourquoi je m’adresse à vous aujourd’hui. Au
moment où vous allez prendre une décision qui aura des conséquences
vitales, faites-le en complète connaissance de cause ! Et,
pourquoi pas, venez rencontrer ceux et celles qui ont une expérience
vécue des crues à Layrac. Certains d’entre eux ont connu celles
de 1930, 1952 et 1977 et savent ce qu’elles représentent pour
les hommes et les femmes qui vivent et travaillent dans ce coin de
France : ils ne comprendraient pas d’être moins bien
considérés que des batraciens ou des échassiers.
Je vous prie de
bien vouloir agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma très
haute considération.
"
Ce courrier adressé le 16 Février est resté sans réponse à ce jour .
Madame Nathalie Kosciusco Morizet a certainement d'autres chats à
fouetter et son remplaçant Monsieur Fillon semble s'intéresser davantage
à la viande hallal qu'aux crues du Gers ( à chacun ses priorités ...) .
Quant au préfet , représentant de l'état , il ne s'est pas manifesté
non plus , pas plus qu'il n' a répondu au courrier que lui a adressé
Josette Ben Aîm qui a vécu les crues de 1952 et 1977. "
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